L’intersectionnalité, nouvelle mode ou nécessité?

Par Mélodie Rheault

Dans les groupes de femmes, dans la littérature féministe et même sur les réseaux sociaux, on entend de plus en plus parler d’intersectionnalité. Mais qu’est-ce que c’est au juste et comment peut-on l’appliquer concrètement dans notre féminisme?

L’intersectionnalité

Alors que le féminisme radical, dont la plupart des groupes féministes sont issus, observe que les oppressions vécues par les femmes proviennent du patriarcat, le féminisme intersectionnel propose d’élargir cette analyse. En effet, l’intersectionnalité considère que les femmes peuvent être dominées par plusieurs systèmes d’oppressions qui se renforcent mutuellement, tel que la classe, le genre ou la race. Donc, le féminisme intersectionnel soutient que le vécu des femmes n’est pas uniforme. Par exemple, une femme trans victime de violence conjugale fera face à des barrières spécifiques à sa réalité.

Cette analyse nous permet d’enrichir notre compréhension des vécus et besoins spécifiques de toutes les femmes, particulièrement celles qui sont davantage discriminées en raison de leur orientation sexuelle, de leur identité culturelle, de leur handicap, etc.

Comment appliquer l’intersectionnalité dans son féminisme?

D’abord, le féminisme intersectionnel propose de se « décentrer » de sa propre culture, particulièrement lorsque nous appartenons à un groupe dominant (ex : les femmes blanches).

La culture est un ensemble de constructions sociales, d’apprentissages, d’idées reçues dont nous ne sommes pas volontairement conscients. Comme la culture est intériorisée, la découverte de l’autre passe nécessairement par la compréhension de notre propre identité culturelle et comment notre identité, lorsque majoritaire, réagit face aux populations minoritaires. Une culture dominante est maintenue par des privilèges dont on n’est pas toujours consciente. L’identification de nos privilèges est une première étape pour comprendre son système culturel.

Par exemple, nous nous questionnons rarement sur l’accessibilité d’un bâtiment. Or, ceci est une préoccupation constante pour les personnes en fauteuil roulant, dans la vie de tous les jours, mais aussi dans leur recherche d’emploi, de logement ou encore pour demander de l’aide. Pensez aux organismes communautaires de votre secteur, ont-ils tous une rampe? Des toilettes adaptées?

Ensuite, l’approche intersectionnelle nous invite à avoir une attitude d’ouverture et d’écoute active afin de comprendre la réalité de l’autre, même si celle-ci nous confronte, lorsque notre système de valeurs et de références est différent du sien. Par exemple, la pratiques religieuses de certaines femmes (tel que le voile, par exemple) peut venir heurter les valeurs laïques de d’autres femmes. Mais il importe de se placer dans une posture d’ouverture afin de comprendre ce que celui-ci représente pour cette femme. Cela dit, il est important de se renseigner sur la réalité de l’autre, afin que celle-ci n’ait pas à porter le poids de nous éduquer, particulièrement si elle demande de l’aide ou si elle est en détresse et qu’elle n’est pas disposée à éduquer l’autre.

Lors de l’approche vers l’autre, il faut aussi prendre en compte que les personnes marginalisées portent en elles un bagage de discrimination et qu’elles se heurtent régulièrement à des barrières (langue, tabous, capacité à se déplacer, peur de vivre du racisme, etc). Elles peuvent être méfiantes, aussi bienveillantes soit-on. À même titre qu’une femme peut l’être lorsqu’elle croise un homme la nuit sur la rue, bien que nous sachons que tous les hommes ne sont pas des agresseurs. Il faut reconnaitre ces barrières et lutter contre celles-ci, car lutter contre les systèmes d’oppressions c’est affirmer que ceux-ci existent.

En somme, être une féministe intersectionnelle, c’est prendre en compte que les femmes peuvent souffrir de multiples oppressions de manière simultanée et de lutter activement à leur côté, contre celles-ci.